Contact
Trouver un professionnel Devenir partenaire

parler de la mort aux enfants

Parler de la mort aux enfant - Interview Didier BOHU

14 Avril 2023

Partager :

Didier BOHU Reflet d’image éditions par Marie SALMON Founder & CEO alanna.life

Didier bonjour. Vous êtes auteur de livres pour enfants, pouvez-vous nous en dire plus sur les thèmes que vous abordez ?

J’ai imaginé, conçu puis lancé en 2010 une collection de livres (pour tous les enfants qu’ils soient endeuillés ou non) regroupant des titres thématiques autour de la fin de vie, de la mort et du deuil. Les contenus sont des récits de la vie qui prennent en compte les valeurs de l’éducation, de la pédagogie, de l’information, de l’originalité et de la sincérité. Pour rappel, si nous naissons tous de la même façon et que nous vivons au moment où je m’exprime, nous serons bien alors l’acteur principal de notre propre mort avec notre destinée (âge, circonstances et causes). Dans cette optique, les ressources mises à disposition du grand public, traitent de la mort naturelle, accidentelle et prévisible. C’est bien à partir de ce constat qu’est née toute cette collection avec comme fil rouge la mort. Les humains, comme les animaux et les végétaux y sont représentés. De la fiction théâtrale aux recueils de témoignages, du deuil animalier au conte fantasmatique, du parcours des obsèques à la découverte des coutumes et des croyances sur la mort, les grandes causes sont passées en revue pour aider les adultes à accompagner les tout-petits et les plus grands sur le sujet.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire des histoires pour parler de la mort aux enfants? Quel a été l’élément déclencheur ?

« Dis, c’est quoi la mort ? » a été la question qui est venue à mes oreilles un jour de 2009. Cela n’a pas été une surprise, mais un déclic avec une résonance toute particulière : Les enfants, et même les plus petits, finissent par s’interroger sur la vraie, celle qui nous fait peur, celle qui nous dérange. Pourquoi ? Parce que la culture de la mort n’est pas inscrite dans nos parcours éducatifs. L’homme aime trop la vie pour penser à la mort. Il la rejette. Nous n'avons donc pas appris à parler de ce qui nous fait souffrir depuis notre plus tendre enfance. Nous avons enregistré de manière consciente ou inconsciente l'idée que ça ne servirait à rien de parler et/ou que d’en parler ne changerait rien. La mort est le thème avec lequel on ne peut se distraire ; exception faite pour celles ou ceux que toute sa dimension inspire. Me concernant, ajoutez à tout cela une passion sans fin pour la lecture et l’écriture depuis tout petit, et quelques visites des années plus tard dans les librairies spécialisées pour constater que la littérature jeunesse sur le sujet avait besoin d’être grandement « dépoussiérée ». L’envie d’aider les familles sur des thèmes précis était devenue très forte. L’aventure était alors lancée.

Pourquoi est-ce important d’aborder le sujet de la mort avec les enfants ?

Le cycle de la vie n’est un secret pour personne. La vie et la mort sont intimement liées. Certains enfants l’apprennent chaque jour à leurs dépens. Dans le cas du décès d’un parent très proche (un papa, une maman, un frère, une sœur, les grands parents), la disparition de l’individu affecte la famille entière. Les enfants sont en première ligne. Les professionnels du milieu médical, de la psychologie, de l’environnement funéraire et de la petite enfance sont unanimes pour dire qu’il est important de leur parler de la fin de vie et de la mort avant même d’être touchés. Prôner l’éveil des consciences passe par le devoir de parole et par la sincérité de l’information. La vie est belle mais sait se faire très cruelle. Les enfants ont donc besoin de repères et de mots ; des mots qui seront choisis, des mots qui leur parleront. Certains vont poser beaucoup de questions, et d’autres vont se satisfaire d’explications simples et sommaires. Alors pas de faux prétextes ni d’excuses pour aborder la mort et en parler sans tabou. Gardons en tête que s’ils sont trop petits pour savoir, ils sont aussi assez grands pour comprendre. Nous savons très bien qu’il ne sera jamais possible de mener une vie toujours heureuse, joyeuse et pleine. Les échecs, les déceptions et les épreuves sont valables pour tout le monde.

Pensez-vous qu’il faille attendre d’être confronté au deuil pour parler de la mort avec les enfants ?

Malheureusement, comme c’est trop souvent le cas, les questions réponses autour du sujet arrivent pendant, voire après le décès d’un proche, d’un voisin, d’un copain, d’une connaissance ou dans une famille d’un camarade. Ma réponse à cette question va donc faire écho à la précédente. Parler ensemble de la fin de vie et de la mort sans être dans la douleur, la tristesse et le chagrin, permet des échanges nourris et constructifs. Oui, ce n’est pas la peine d’attendre d’être en situation d’urgence pour informer les enfants, pour leur parler, pour leur expliquer. On pourra sereinement répondre à leurs questions sans avoir à les anticiper ou quand ils seront eux-mêmes aptes à entendre les réponses suite à ce qu’ils auront vu à la télévision, lu dans un livre ou entendu à l’école. Dans ces moments hors contexte décès qui sont propices aux échanges, il sera tout à fait possible de lancer le dialogue avec eux en leur parlant par exemple de leurs peurs sur la mort lorsqu’ils demandent : « Dis maman, quand vas-tu mourir ? » ou encore « Moi aussi vais-je mourir ? ». Il s’agira alors simplement de les rassurer ... sans avoir à supporter le poids du deuil.

Selon vous, faut-il éviter d’employer le mot « mort » pour préserver les enfants, notamment les plus petits ?

Les termes tels que la mort, être mort ou en train de mourir, qui semblent difficiles « à dire » de la part d’un adulte, sont les plus appropriés au développement cognitif et intellectuel de l’enfant. L’ensemble des thérapeutes est en accord sur l’utilisation du mot mort. Il n’y a ainsi pas de risque à créer de la confusion. Les métaphores « papa est au ciel » ou « papi s’est endormi pour longtemps » ou encore « mamie est partie faire un long voyage » doivent être écartées. Dans le cas contraire, vous serez alors invités à effectuer un voyage dans les nuages ou d’aller voir papi dans son lit pour aller le réveiller en cas de demande de leur part. Sensibiliser les enfants au mot mort, je persiste à dire que c’est avant tout dire la vérité sur notre finitude. Sauf erreur de ma part, une personne morte ne revient jamais n’est-ce pas ? (rires) Pour parler du mot mort, on fera toutefois attention d’argumenter les propos avec des termes « adaptés » en fonction des âges, et notamment en direction des plus petits. Pour rappel, entre 2 et 4 ans, un enfant intègre l’absence mais le concept de mort reste très abstrait puisque jouer à mourir, c’est aussi se relever. On pourra dire : il a fini de vivre. Dès 4 ou 5 ans, la notion de permanence irrémédiable de la mort est plus ou moins acquise, avec l’espoir de revoir un jour le (la) défunt(e). Vers 7 ou 8 ans, un enfant aura compris ce que signifie la mort avec la douleur, le chagrin, le vide et l’absence définitive qu'elle entraîne.

Que pensez-vous du fait d’emmener les enfants aux funérailles ?

Cette question fait toujours l’objet de nombreuses concertations au sein d’une famille touchée par le deuil. La tentation d’exclure les enfants est souvent bien réelle pour des parents déjà gênés par leur propre douleur à gérer dans ces moments déchirants qu’ils perçoivent eux mêmes comme traumatisants. Certains paramètres (comme l’âge par exemple) sont d’emblée pris en compte par les familles pour dire que ce n’est pas la peine d’emmener notre enfant « il est trop petit et sa place n’est pas ici ». Pour être tout à fait transparent sur la question, je pense qu’il est bon de proposer à un petit s’il le souhaite d’être présent aux obsèques ; surtout dans le cas où il connaissait bien le défunt et le lien d’attachement qu’il lui portait. Pour un papa, une maman, un frère, une sœur, un papi, une mamie ... cela me paraît incontournable. Il sera toutefois important de lui donner deux ou trois détails concrets afin qu’il puisse se faire une image précise des instants qu’il va vivre. Si les conditions sont favorables pour l’accompagner au travers des émotions qu’il va traverser lui-même, c’est bien lui seul qui sera au final capable de se décider en amont s’il doit être présent ou non pour faire ses adieux. Donc, on ne force en rien. Si les plus petits ne mesurent pas forcément toute l’importance de leur participation aux funérailles, l’enterrement signifiera concrètement aux « un peu plus grands » qu’aucun retour physique ne sera possible. Cela a au moins le mérite de les confronter à la réalité de la disparition définitive même si le chagrin et la douleur sont très vifs.

À quelles tranches d’âge sont destinés vos livres ?

J’ai souhaité mettre en place une collection aux histoires originales et aux illustrations adaptées pour répondre aux codes d’aujourd’hui en fonction du vécu, du développement cognitif et affectif, de l’événement, du contexte et de l’âge. Proposer une collection répertoriée en 4 tranches (3/5 ans, 5/7 ans, 6/9 ans et 8/12 ans) permet de catégoriser un contenu en phase avec ce qu’un enfant doit entendre et peut comprendre à son âge. Pour exemple, le décès par suicide d’un proche ne concerne que la tranche des 8/12 ans. Je peux dire qu’il ne serait pas raisonnable d’emmener un enfant de 3 / 5 ans sur le terrain d’explications alors que celui-ci n’est pas en âge d’appréhender la singularité de la tragédie. Mieux vaut attendre qu’il grandisse pour lui évoquer peu à peu les raisons et les circonstances de la disparition ... mais cela n’est que mon avis. Puisqu’il est encore question d’âge, j’insiste à ce sujet sur l’attention particulière portée à la ligne éditoriale, au champ lexical et aux illustrations qui font partie d’une volonté « d’intellectualiser » la collection de Reflet d’image pour rassurer les adultes sur les contenus qu’ils vont partager avec eux. Pour rappel, un livre n’est pas un médicament miracle pour se sentir mieux ensuite, mais bien un moyen de guider et d’expliquer à un enfant les sentiments et les émotions que la souffrance, la douleur et le chagrin leur procurent au décès d’un proche aimé.

Combien de livres sont parus aujourd’hui ?

Les ressources présentes sur www.mapetitebibliotheque.com sont actuellement au nombre de vingt-deux titres. Vingt-cinq nouveautés vont venir compléter nos thématiques dès septembre 2023. Cela représente approximativement deux années et demi de réflexion, de conception et de réalisation. On évoquera les soins palliatifs, le deuil périnatal, le deuil à l’école, l’homicide etc. Une nouvelle tranche d’âge (14 / 16 ans) va également voir le jour sur le deuil en collaboration avec Sylvie CILIEGIO Psychologue. La demande pour les ados de cet âge est récurrente. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour remercier tout l’investissement de ces professionnels qui ajoutent aux ouvrages de Reflet d’image une plus-value de qualité très appréciée des familles qui nous accordent leur confiance. Et puis, je n’oublie pas la plateforme alanna.life et ses équipes qui œuvrent au quotidien et ce de façon remarquable pour accompagner les familles sur un sujet aussi singulier qu’universel.

Sous quel format paraissent les histoires ? physique ? e book ?

Même si je reste très attaché au format papier, j’ai misé avec www.mapetitebibliotheque.com sur une aventure numérique pour de l’immédiateté, de la spontanéité et du dynamisme avec le flipbook en version streaming. Le choix de « la vie et de la mort » en numérique permet une accessibilité immédiate sur écran pour tous et sans limites de frontières. Il n’est cependant pas définitivement exclu que des versions imprimées voient le jour dès 2023. La plateforme alanna.life en sera la première informée dans le cadre de nos relations privilégiées. Longue vie à tous.

Didier BOHU
Auteur & Fondateur des éditions Reflet d’image,
Des livres pour aider les adultes à parler de la mort avec les enfants.

Partager :

loop-blog

Contribuer ?

Vous souhaitez participer, animer une rubrique, partager un sujet.

Envoyez-nous un message !

Des questions sur Alanna ?

Retrouvez notre FAQ

Besoin d'aide pour des obsèques ?

Retrouvez notre Guide

Fermer